Take another walk out of your fake world. |Clive

Cela faisait plus d'une semaine que je n'étais pas sortie de mon pitoyable appartement. Probablement parce que je me sentais pitoyable aussi. J'évitais de penser à la semaine précédente, même si elle avait bien eu lieu. Mais évidemment que j'y pensé, sinon je n'aurais jamais été dans un état pareil. J'y pensé tout le temps, c'était d'ailleurs pour ça que je fermais à peine les yeux pour dormir quelques heures. J'avais décidé de m'aérer un peu, puisque le seul air frais que j'avais pu respiré daté de la semaine dernière. Je quittais mon appartement en claquant la porte, et j'étais à présent sur le bord d'une route que je ne connaissais à peine. A vrai dire, je n'avais fais aucunement attention où j'allais, seules mes jambes me guidaient. J'avais pris le soin d'emporter le paquet de clope que je m'enfilais à petite dose depuis l'autre jour. Habituellement, ça n'était pas vraiment mon truc, mais là, j'en avais vraiment besoin. C'était une façon d'être accro à autre chose. Avant, j'étais accro à Matthew. Bien que nous n'étions qu'amis, ses sarcasmes et ses plans foireux m'animés. Et depuis qu'il m'avait lamentablement plantée, je n'avais plus rien sur quoi m'accrocher. Mise à part un misérable petit paquet de clope. Lorsque j'entrepris d'en allumer une, je sentis de lourdes cordes de flotte me tomber sur mes épaules nues, habillés d'un simple débardeur blanc. Je soupirai. Peu à peu, j'avais l'impression de mettre mes pieds dans un véritable ruisseau. Durant cette longue semaine, je n'avais pas pleuré, parce que pleurer ça soulage, et que je ne voulais pas être soulagée. Manger non plus, ça ne passait pas. Bien que d'habitude, j'avais l'allure un peu maigrelette, je devais sûrement avoir perdu deux kilos sans pour autant ressembler à un squelette. Ca, c'était mon teint blanchâtre qui s'en chargeait. J'avais laissé tomber le boulot quelques temps, quant au lycée, n'en parlons même pas. Je me ferrais sûrement incendier par le proviseur en rentrant, mais pour le moment, c'était le cadet de mes soucis.

Clive n'était pas allé au lycée depuis l'altercation avec Emerson. Il n'avait pas voulu courir le risque de tomber sur elle. Ou sur Sara. Ou sur Emerson ET Sara. Bref, c'était bien trop risqué.
Après avoir passé deux jours comme une loque chez lui à se nourir essentiellement de chips et de bière, il s'était enfin décidé à sortir. Pour racheter des chips et de la bière.
Prendre une douche? A quoi bon? Un aller retour, et hop, Clive sera de nouveau avachi devant le canapé, avec pour seule amie la télécommande.
Il avait attrapé les clés de la voiture familiale, et était donc allé au magasin. Seulement, voilà, petit problème. En voulant prendre la route en sens inverse, déviation. Et merde, Clive allait devoir faire le tour de la ville, passant par des chemins isolés... Et voilà que la pluie commençait à tomber...
Sur la bord de la route, Clive aperçu une jeune fille blonde, en débardeur. Arrivé à sa hauteur, il reconnu Emerson. Il continua sa route sur quelques mètres, avant de réaliser que même s'il avait peur de l'affronter, il ne pouvait pas la laisser là, toute seule sous la pluie. Il se gara donc à quelques mètres d'elle, et ouvrit sa vitre.

J'te dépose quelquepart?

Alors que je tentais toujours d'essayer d'allumer cette foutue clope sous la pluie, j'entendis une voiture passer. Elle s'arrêta juste devant moi. Et bien entendu, comme je regardais la télé et tous ces films typiquement américain à la con, je ne pu m'empêcher de m'imaginer un remake de John Ryder, l'auto-stoppeur frustré. Sauf que vu comme ça, le cinglé était le conducteur et la personne sur le bord de la route, autrement dit moi, était la victime. J'arrêtai soudainement de penser à tout ça lorsque la vitre se baissa et que j'aperçus Clive.

Pire qu'un film d'horreur..

J'ignorais si il m'avait entendu, et pour tout dire, je m'en foutais complètement. Si il s'était arrêté, c'est qu'il voulait forcément me dire quelque chose ou quoi. Oui, tomber en rade JUSTE devant moi, c'est un peu gros tout de même.
Gagné, il m'adressa la parole. Du tac au tac, je lui répondis.

Qu'est ce qui te fait croire que quelqu'un comme moi vaut la peine d'être déposé quelque part? Qu'est ce qui te fait croire que quelqu'un comme moi va quelque part?

Je lui adressai un bref sourire narquois, bien sûr, il n'y avait rien de plus forcé. Je voulais lui montrer que malgré le fait que j'allais l'air d'une paumée finie, il me restait un brin de dérision, et surtout envers lui. J'avais repris les paroles qu'il m'avait décoché une semaine auparavant. En disant cela, j'avais continué de fixer la route devant moi, je ne voulais pas le regarder. Déjà lui sourire ironiquement, c'était bien de trop. Bien que j'avais pas croisé son regard, je sentais qu'il avait pitié de cette fille sur le bord de la route qui n'était autre que moi. Tout en continuant de marcher en regardant droit devant moi, je l'attaquai oralement et de façon méchante.

Tu culpabilises? Tu te sens responsable de la situation, c'est ça?

J'avais à présent dépasser de quelques centimètres l'endroit où sa voiture était garée. J'avais de plus en plus froid, mes épaules graciles et dévêtues tremblaient contre ma volonté. J'aurais voulu avoir l'air forte, du genre "go to hell!" mais c'était plus fort que moi. Je savais d’ores et déjà que c'était foutu. Clive avait le don de capter les moindres détails, même les plus petits. Histoire qu'il n'analyse pas trop rapidement la situation, je me retournai vite fait.

Nan mais de toute façon, je ne monte pas dans la voiture d'un joueur de l'équipe.

Ma voix s'était radoucie en disant cela. Je n'avais pas cessé de marcher, cependant, j'avais bel et bien croisé son regard. Je m'étais promis de ne plus jamais le regarder, j'avais perdu. Je jurai tout bas, tout en finissant par croiser mes bras de façon à mettre mes mains sur mes épaules. Je tenais toujours cette fichue clope, ne voulant pas la lâcher, comme si elle était le signe du peu de dignité qu'il me restait encore.

Clive attendait patiemment une réponse, et vit clairement qu'Emerson semblait loin d'être ravie à la vue du jeune homme. Ce n'était pas si grave, Clive comprennait très bien, surtout vu leur dernière entrevue, au cours de laquelle Clive l'avait "plus ou moins" repoussée. Emerson rejetta la proposition de Clive, il remit donc le contact, et s'apprêtait à lacher l'embrayage, quand elle ajouta quelquechose qui attira son attention. Il récupéra ses clés, et sorti de la voiture immédiatement. Il pleuvait, mais Clive s'en fichait totalement, une rage l'animait, alors peu importaient les gouttes ruisselantes le long de son visage, ni ses cheveux qui prenaient l'eau, et encore moins son jean qui commençait à coller à sa peau.

De la culpabilité? Tu crois vraiment que c'est ce que je ressens quand je vois une fille paumée sur le bord de la route? Ou peut-être te crois-tu ... spéciale?!

Ces mots étaient durs, très durs, mais Clive ne les avait pas vraiment choisis. Lorsqu'Emerson était là, il avait l'impression de perdre tout contrôle, en particulier sur son flux de paroles. Et après coup, il se sentait vraiment idiot de ne pas avoir réflechi avant de l'ouvrir.
Mais Emerson semblait vouloir couper court à la conversation, et Clive, blessé dans son orgueil, trempé par la pluie qui tombait de plus en plus fort, n'était pas d'humeur à discutter. Il se contenta de crier vainement, sur la route deserte :

TRES BiEN!

& il remonta en voiture, vexé. Il remit la clé et s'appretait à mettre le moteur en marche, bien qu'Emerson soit toujours plantée devant sa voiture, l'empêchant, techniquement, de demarrer..

» Attend Clive [Clive]
» Clive.D@cheapsidehigh.edu
» CLiVE DARNAY [Sorry, You Can't]
» Clive Darnay