On aurait tous envie de zapper les lendemains de fête.

Ce matin, j'avais seulement ouvert les yeux à pas moins de 9heures et demi, alors que les cours débutaient à 8heures pile. En rentrant hier soir, je n'étais pas tellement sobre pour pouvoir mettre mon réveil, et dieu sait combien de gens ne peuvent se réveiller sans la sonnerie du matin, celle qu'on recule de dix minutes en dix minutes, juste pour avoir le plaisir de l'oreiller froid qu'on vient juste de retourner sur la joue. Seulement aujourd'hui, je n'étais vraiment pas toute fraîche. J'avais gardé ma robe, qui, pendant mon sommeil était bien remontée, je n'avais pas non plus eu le temps de me démaquiller la veille puisque trouver la salle de bain était un vrai parcours du combatant lorsque j'avais bu.
J'étais vraiment en retard, mais je pris tout de même le temps d'aller me couler sous de l'eau froide, en prennant deux comprimés au lieu d'un petit déjeuner. Mon sac de cours sur l'épaule et habillée du premier jean venu, je pris le chemin du lycée, en esseyant de me presser, seulement l'envie de dormir était bien plus forte que celle de courri.
Bien entendu, le prof ne m'accepta pas. Je n'avais aucun motif valable, mais de toute façon, je l'avais bien cherché la veille.
En parlant de la veille, cette soirée avait été la pire des catastrophes. Ce salaud de Clive m'avait laché, sans me prévenir, ni ne serait-ce qu'un message pour s'excuser. Claire était là, elle aussi. Et pour finir, j'avais fini la soirée, amorphe, dans le canapé entrain d'essayer de persuader un des 'amis' de Matthew que se contenter de parler était la meilleure solution.
J'étais entrain d'essayer de me souvenir d'autre détails, avec ma mémoire et mes souvenirs floues. Debout, et seule au milieu du couloir, avec la lumière du jour qui en devenait presque aveuglante.

On dit toujours que les cours sont plus qu'ennuyant lorsque la matière ne nous plait pas, mais le pire est sans doute de n'avoir rien à faire dans les couloirs lorsque l'on se fait virer du cours. Enfin 'virer' est un bien grand mot puisque je n'avais même pas était acceptée. J'avais simplement envie de dormir, oui mais en plein milieu d'un couloir ou contre les casiers, sincérement, c'est pas l'idéal. J'aurais mieux fait de ne pas me pointer ce matin, ni même hier soir, ni même le soir, à la marina lorsque Clive m'avait invité. Je crois que c'est là que ça avait commencé, mais j'avais fait l'erreur d'accepter. Je ne me souvenais plus du début de la fête. L'alcool fait oublier, okay, mais ça donne surtout très mal à la tête, moi qui était plus habituée aux gobelets de café du starbuck plutôt qu'aux verres alcoolisés.
Toujours est-il que j'avais beau traiter Clive de salaud et de tous les noms intérieurement, je n'arrivais pas à me le sortir de la tête.
Deuxiéme merde de la journée, le voilà qui arrivait devant moi. Manque de bol, le couloir était vide, donc impossible de faire genre 'il y a trop de monde, je ne t'ai pas vu". Je croisa les bras fermement et lui dit ' T'as rien à dire? ' Alors oui, je lui en voulait vraiment, mais je n'étais pas au courant de l'histoire 'Sara'.

Okay, il était naze, j'étais naze, tout le monde était naze, ça n'était pas une raison. Moi aussi, tout ce que je voulais en ce moment dormir, retrouver mon lit et dormir mais avant de se faire, je voulais une explication. Juste une simple explication. J'en avais clairement rien à foutre qu'il s'excuse ou non. Oui, j'étais vachement rancunière comme fille, alors même avec des excuses en plus, je lui en voudrais pareil. Il avait vraiment l'air pitoyable, comme ça, et le moment où il ouvrit la bouche n'arrangea rien, surtout pour dire une connerie pareille. Habituellement 'salut' n'avait rien de stupide, mais dans cette circonstance, oh que si. Je le regardais avec insistance, ne le saluant même pas en retour, après tout, il devait se douter que je ne le ferrais pas. Quelle communication en cette matinée tellement sinistre. J'avais l'impression que c'était carrément toute la journée qui allait être lugubre. Les lendemains de fête étaient toujours comme ça. Après un autre long moment de silence, je me décida à lui balancer quelque chose à la geule. ' D'habitude, les filles pardonnent sans doute facilement Clive D. parce qu'il est le mec le plus populaire dans les couloirs de Cheap Side. Je ne suis pas ce genre de filles. ' En m'avancant, sans plus le regarder et en faisant exprès de passer près de lui de façon à lui cogner l'épaule avec la mienne, j'alla à mon casier, qui était non loin, à quelques mètres seulement.

Une fois arrivée devant mon casier, j'entra nerveusement les nombres sur mon cadena. C'était ma date de naissance, oui, très banal. Mais étant donné que presque personne ici ne me connaisait, et par conséquent ne la connasait, ça laissait l'occasion à Matthieu ou quelques amis de confiance d'aller y chercher quelque chose lorsque je n'étais pas presque. La présence de Clive dans ce couloir me rendait nerveuse. Pour dire vrai, c'était carrément lui qui me rendait nerveuse, je le connaissais à peine et j'étais presque effrayée à l'idée qu'il ne soit pas loin, jusqu'à présent, je ne comprennais pas pourquoi. Je regardais le fond de mon casier, faisant mine de chercher quelque chose d'introuvable. Je ne savais pas non plus pourquoi je ne me contentais pas de quitter ce couloir et de rentrer chez moi. Je sentis qu'il se rapprochait, mais regarder où il se dirigeait était bien trop facile, c'était lui céder. Je sentis un 'coup de vent' passait près de ma figure. C'était ma porte de casier, il venait de la claquer violemment. Je ne pu me retenir de le regarder aussitôt, mais avant que je ne pu dire un mot, il avait déjà entrepris de me parler.
Après ce qu'il venait de dire, j'étais débousolée. Il venait de presque 'faire ses preuves', du moins, il venait de rompre l'image que tout le monde avait de lui, celle que je détestais au plus haut point. Je resta muette et figée. Il était en train de se barrer, il fallait absolument que je le rattrappe, mais je n'avais aucune idée de comment je pouvais le faire. Seulement si je ne me remuais pas, dans quelques minutes, j'allais me retrouver dans ce couloir de nouveau seule mais avec des remords en plus. Je fis rapidement deux pas vers lui et lui pris le poignet de façon à ce qu'il s'arrête. C'était certes un peu violent mais pas plus que le coup de la porte du casier. ' J'ai peut-être envie de connaître le genre de personne que tu es vraiment. ' J'étais entrain de lui écraser le poignet, malgré moi.

A force de lui comprimer le poignée, je finissais par avoir plus mal moi-même que lui. Mais mon attention n'était pas de lui faire mal, enfin au début du moins puisqu'à chaque mot qui sortait de sa bouche, je serrais de plus en plus fort, ayant la désagréable impression que c'était lui qui esseyait de me blesser. C'était donc une façon de lui 'renvoyer la balle' même si le fait de blesser quelqu'un physiquement était beaucoup plus simple et lâche qu'avec des mots. J'étais donc lâche, si on résumait bien les choses. Mais lui était aussi un beau salaud, mais un salaud honnête, c'est déjà ça. Le genre de salaud qui a tellement d'influence sur vous qu'il pourrait vous faire vous effronder, là, au milieu de rien. Seulement je savais qu'il y avait des choses fausses dans ce qu'il disait, c'était pour cela que je n'étais pas prête à craquer.
Ce qui me faisait croire que quelqu'un comme lui valait la peine d'être connu? Je laissa échapper un ' Toi. ' d'une voix faible. J'aurais préféré creuver plutôt que de le regarder en face après ce que je venais de dire. Je ne voulais lui dire seulement ce qui aurait pu lui faire du tord, mais ce mot était sorti tout seul, alors après toi, peut-être qu'il vallait mieux qu'il sorte. Je releva la tête, seulement quelques secondes après et lui balança pas d'un ton les plus plaisants ' Si vraiment tu n'en avais rien à faire, de ce que je pense, tu ne serais jamais revenu me voir en claquant la porte de mon casier pour me dire que tu n'étais pas juste un mec populaire. Tu pourras me répondre n'importe quoi Clive, tu sais très bien que j'ai raison. Tu as voulu me le prouver, donc tu t'y intéresses. '

Je n'avais rien à répondre. Au moins, j'étais franche avec moi-même. Je n'allais pas rajouter quelque chose à ce qu'il venait de dire, puisqu'il avait totalement raison. J'étais écoeurée à l'idée de lui donner raison, mais c'était pourtant la vérité. Comme tout le monde, avant de vivre une certaine expérience qui nous plonge dans un certain cas, on ne croit pas vraiment à tous ces proverbes qu'on estiment totalement cons. Seulement, je pouvais en être certaine maintenant, il n'y a que la vérité qui blesse. Je me sentais tellement offensée par ses mots que ça ne pouvait que prouver que ce qu'il disait était juste. J'avais le sentiment de revivre à peu près la même situation que lorsque Claire m'avait lamentablement lâchée, pour me dire que dorénavant, nous ne faisions plus partis de la même catégorie. Les seuls mots qui différençaient ma relation avec Claire à celle avec Clive, c'était 'dorénavant' et 'plus', parce que ce qui faisait le plus mal dans tout ça, c'était de recevoir ces paroles d'une personne avec qui on avait vécu pendant des années.
A l'intérieur de moi-même, je criais et j'étouffais. Et le fait que Clive me dévisage pour apercevoir ne serait-ce qu'une petite réaction de ma part me faisait encore plus perdre le contrôle. J'avais le mauvais sentiment de le détester, mais j'aurais préféré ne pas le calculer, ça aurait été bien plus facile. Moi qui était pourtant persuadée d'en avoir fini avec ce que Claire m'avait fait voir, il avait réussi à faire tout remonter. Comment faisait-il pour me cerner aussi bien? Je le poussa assez violemment contre le mur, ce qui fit légérement résonner les premiers casiers alignés sur toute la rangée. Oui, légérement, je n'avais pas la force de Hulk, ni Clive non plus, mais il en avait sans doute beaucoup plus que moi, je n'y avais pas vraiment réfléchi avant de faire ce geste, malheureusement pour moi. Je plia mon bras et colla mon avant-bras sur son thorax, pas très loin de son cou. J'avais envie de lui balancer des insultes, des méchancetés et toute sa connerie à la gueule mais il fallait que je revienne à l'évidence, je ne conaissais pas grand chose de lui pour le faire. De plus, rien ne sortait mais mon regarde en disait long. Mes yeux devenaient rouges, était-ce de la rage et de la colère ou avais-je simplement envie de pleurer, comme une gamine? Je regardais toujours Clive dans les yeux, et son regard perçant finirait sans doute par me faire m'effondrer.

Qu'était-il entrain de faire? Pourquoi caressait-il mes cheveux de cette façon alors que quelques minutes à peine, il jurait n'en avoir rien à foutre de moi? J'avais envie de lui poser toutes ses questions, jusqu'à ce qu'il rapprocha tout doucement son visage du mien. Je savais que j'étais idiote de le faire, mais je rapprocha le mien aussi. Ca faisait étrangement contraste avec la façon dont je venais de le plaquer contre le casier. Je savais aussi que tout ça était dangereux, aussi bien pour lui que pour moi. Il murmura dans un souffle qu'il ne pouvait pas. Mais c'était quoi, un jeu? La partie se fait à deux et le premier qui réussit à faire craquer l'autre l'emportait. Biensur entre temps, on lui fait tant de miséres qu'il finit par en creuver. Sinon c'est pas marrant, et si ça n'est pas marrant, ça n'est plus un jeu.J 'en étais presque effrayée puisque je sentais qu'il avait le pouvoir changer les régles de ce 'jeu'. Il me tournait le dos mais ça ne m'empêchait pas de lui répondre ' Mais pourquoi est-ce que tu compliques tout? '. J'avais dis ça sans mettre de ton spécial, et malgré qu'il ne se retourne pas et le vacarme que faisait la sonnerie, j'étais certaine qu'il avait entendu et qu'il finirait par me répondre un autre jour. Les autres lycéens sortaient, en bordel et comme des sauvages, pour ne pas changer. Je le regardais s'éloigner, restant au milieu d'eux tous, me faisant presque bousculer par des idiots qui me criait dessus en me disant de me pousser. Quels cons..

Heureusement que le casier sur lequel j'appuyais mon dos était là parce que mes jambes étaient en train de vaciller. Je n'entendais presque plus rien, j'étais dans une bulle, une autre bulle, de nouveau. Je n'entendais même pas "l'abruti" qui me criait légérement dessus de façon à ce que je dégage et qu'il puisse enfin accéder à son casier. Malgré une très grande volonté, je n'arrivais pas à dégager. C'était exactement le même casier sur lequel j'avais violemment plaqué Clive et que cette tension 'rabrouante' entre nous deux avait littéralement changé. Dans ma tête, j'esseyais de faire le rapprochement entre la soirée d'hier où il m'avait effectivement lâché et ce matin-même, où il m'avait clairement sortit qu'il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas quoi? Etre vu avec moi, sous peine de se faire charier auprès de ses potes? Ou y avait-il quelque chose de beaucoup plus important qu'il l'empêcher d'aller jusqu'au bout de son geste? J'avais la tête relevée mais mon regard était dans le vide, comme perdu. Je ressemblais plus à une loque qu'autre chose, je n'avais ni énergie ni expression sur mon visage. Matthew s'était approchée de moi, sans que je ne m'en rende compte, c'était vraiment que j'étais dans un sale état. Ca aurait été une personne quelconque, mais Matthew, c'est Matthew. Tout en continuant de ne rien fixer en particulier, je me lançai dans un monologue dont Matthew n'aurait pu comprendre sans explication.
' Je sais qu'il peut-être affreux avec moi par moment mais je suis sûr que ça n'est qu'un mécanisme de défense et qu'il n'est pas comme ça en vérité, au contraire. Mais vas-y, t'as le droit de me lançer un grand 'Ma pauvre fille, redescends sur terre.' ' Je ne citai pas de nom, parce que je savais très bien que Clive et Matthew étaient potes.

Il était vrai que jusqu'à maintenant, la liste de mes relations sentimentales aurait pu tenir sur un timbre poste, ou ne carrément pas être écrite du tout parce qu'il n'y avait presque rien à raconter. Oui, j'étais ce genre de fille bien trop introvertie et pudique pour pouvoir entretenir une relation. J'avais toujours jalousé Claire depuis nos années au collége pour ce détail que j'estimais important, à l'époque. Maintenant, je n'en avais plus rien à faire, je me prennais déjà trop la tête à essayer d'oublier Claire depuis des mois, alors je préférais ne pas penser à ça, quitte à manquer les aspects positifs d'une relation de couple. Et puis je n'avais que 16 ans, j'avais encore le temps, nan? Du moins, tout ça était mon point de vue jusqu'à ce que Clive fasse son entrée dans cette sorte de 'fake melodrama' autrement dit, ma vie. Je me sentais bien trop niaise pour pouvoir avouer à Matthew que ce 'il' était en fait Clive. Mon regard se posa instictivement sur l'endroit au sol où Clive et Matthew venaient de se croiser. J'avais fait ça inconsciemment mais Matthew devait avoir compris, rien qu'à voir son regard à lui. Quelque chose qui oralement aurait voulu dire " C'est pas quelqu'un pour toi. " Et il avait raison, mais justement, c'était le fait qu'il n'était pas pour moi qui m'attirait. A ce moment précis, je détestais ce lycée, ce couloir, ces élèves. Tout ça me donnait envie de péter un cable. Matthew était là, seulement j'avais le sentiment que je ne pouvais pas me confier à lui comme d'habitude et aussi facilement. Ils étaient amis, bordel. Je me rendais alors compte qu'à part Matthew, je n'avais personne sur qui vraiment compter. Mes parents avaient disparus de la circulation depuis plusieurs semaines sans donner de nouvelles, et les autres soit disant "amis" n'étaient qu'en réalité des connaisances. Je me laissai tomber sur le sol, glissant le long du casier. Je ne lui dis rien mais j'espérais silencieusement qu'il avait compris que la seule façon de me "remonter le moral" était qu'il s'assoit à côté de moi et que je pose ma tête sur son épaule. Je lançai dans un soupir ' Mon dieu, cette situation est tellement semblable à celle de... Claire. '